Le marché de l’art se définit comme l’ensemble des transactions entourant l’acquisition et la vente d’œuvres et de travaux d’art. Plus largement, il régule les processus de détermination du prix des œuvres d’art selon leur valeur esthétique ainsi que l’état de l’offre et de la demande. Le marché de l’art et son étude relèvent donc à la fois de la sociologie de l’art(1) et des sciences économiques. La diversité et la multiplicité inhérentes à l’art se reflètent dans son marché; les spécialistes s’entendent donc pour parler des marchés de l’art.
Le marché de l’art que nous avons tous en tête et qui fait figure de référence est celui de l’art « classique ». Il concerne les transactions (généralement posthumes) entourant les œuvres qui ont traversé l’histoire. C’est un marché hermétique fondé sur la vente de produits uniques et irremplaçables dont la valeur est propulsée par leur rareté. Les œuvres de ce marché ont des prix stables ou grimpants et font office de valeur refuge(2) puisque leur valeur esthétique et sociale repose sur un consensus de la part des historien.ne.s de l’art et conservateur.rice.s de musée.
Le marché de l’art actuel est plus incertain et plus changeant que le marché classique car les œuvres contemporaines ne peuvent être appréhendées selon un seul mode d’appréciation de l’art. En effet, le renouveau constant des idéologies en art et leurs occasionnelles confrontations, de même que le faible recul historique dont nous disposons quant à la production actuelle, rendent difficile, voire impossible, l’élaboration d’un jugement esthétique collectif qui fasse consensus. La notion de rareté se manifeste également différemment dans ce marché puisque des artistes vivant.e.s peuvent constamment nourrir et renouveler l’offre. Ainsi, contrairement au marché classique, le marché de l’art actuel ne peut pas établir la valeur d’une œuvre uniquement selon sa rareté ou sa consécration dans l’histoire de l’art.
Puisqu’il dispose de peu de facteurs d’évaluation rattachés aux œuvres elles-mêmes, le marché de l’art actuel a développé une expertise dans la définition et la prévision des tendances d’achat. Afin d’établir la valeur réelle d’une œuvre, le marché contemporain s’en remet plutôt à l’activité et la réactivité de ses acteurs. Il appartient aux artistes de se tailler une place dans ce marché à travers l’obtention du statut d’artiste professionnel.le et la reconnaissance de leurs pairs. Cette reconnaissance dûment acquise par un travail créatif soutenu et diffusé permet éventuellement d’attirer l’attention d’instances de légitimations artistiques. Ces instances, essentiellement composées des musées et autres lieux d’exposition, sont celles qui définissent réellement le classement des artistes émergent.e.s en identifiant ceux.elles qui ont du potentiel au regard des tendances identifiées par le marché. Chaque exposition organisée, chaque œuvre acquise et chaque texte écrit par ces instances sont susceptibles d’augmenter la cote d’un.e artiste donné.e et d’influencer la valeur de ses œuvres. Ainsi, l’élaboration du prix des œuvres sur le marché de l’art actuel est l’aboutissement d’un processus dynamique qui découle d’une interdépendance entre le marché, les artistes et les instances de légitimation.
Au Québec, la création artistique est largement soutenue par des programmes publics et parapublics. Ce fonctionnement, s’il assure une création culturelle diversifiée, maintient le marché de l’art québécois dans des dimensions plus modestes que les marchés de l’art américains, ou même ontariens. La faible propension des Québecois.es au mécénat financier dédié à l’art rend également difficile la vente d’œuvres en dehors des institutions. Ces deux facteurs contribuent à conserver les artistes visuel.le.s de la province dans une certaine expectative de l’aide étatique. Heureusement, de nombreuses initiatives poursuivent leurs efforts afin de développer un marché de l’art stimulant pour les scènes artistiques locales. D’après Charlotte L’Heureux, les foires(3), telles que Papier ou la Foire en art actuel de Québec (FAAQ), sont des événements déterminants pour dynamiser le marché et la production d’art actuel dans la province. En plus de remplir un important rôle de diffusion, elles permettent de sensibiliser les particuliers et les entreprises aux bénéfices de l’acquisition d’une collection d’art actuel. De pair avec les galas et les prix, ces événements assurent un travail important de démocratisation et de légitimation de l’art actuel tout en éduquant le public aux arts visuels(4).
À Québec, la FAAQ adopte une approche novatrice en confiant la mise en espace et la sélection des œuvres exposées à un.e commissaire(5) invité.e. En plus de permettre à l’événement de renouveler ses couleurs chaque année, cette formule permet de stimuler l’achat d’art actuel et de doter des artistes habituellement non représenté.e.s en galerie d’une expérience d’exposition professionnelle. Depuis sa première édition en 2013, la FAAQ a ainsi réussi à devenir une véritable instance de légitimation à l’échelle locale et à influencer de manière constructive la carrière des artistes qu’elle expose. Cette année pour la première fois, la FAAQ se livrera à nous en format virtuel du 20 novembre au 4 décembre.
Pour en apprendre davantage sur le marché de l’art en général et au Québec, nous vous recommandons la lecture du numéro 254 de la revue Vie des Arts (printemps 2019).
Benoît Durand
Titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art de l’Université Laval, Benoît Durand est enseignant au Cégep Garneau et au Cégep de Sainte-Foy. Ses intérêts actuels sont guidés par une volonté de comprendre les marges, autant sociales que géographiques, et les perspectives créatives qu’elles contiennent. Ceci s’incarne dans l’écriture d’articles scientifiques et artistiques, dans son implication active aux principes et au monde de l’édition et dans son intérêt marqué pour la cueillette de fleurs sauvages sous les lignes d’Hydro.
Publié le 17 novembre 2020
À l'est de vos empires vous prépare une sélection hebdomadaire d'activités culturelles à faire à Québec.