Un texte de Eve Méquignon, à lire et à écouter, au fil des mots :
La machine à laver m’a toujours intriguée.
Je demeure impressionnée par son vacarme sur les murs de l’appartement, ses vibrations qui pourraient se qualifier sur l’échelle de Richter. Lorsque, prise de soubresauts, elle semble sur le point de défaillir, j’anticipe une explosion qui ne vient jamais.
J’examine la danse des linges. Leur virevoltement circonscrit et épileptique me déconcerte. Je ne comprends pas comment on peut tourner en rond avec autant d’intensité, sans que les remords nous submergent. Les mouvements répétitifs me contrarient. Ils préludent à l’immobilisme et compromettent le changement. Ce qui stagne pue.
Dans mes brassées d’idées, je trie toujours couleurs et textures, désirs futiles et volontés légitimes, orgueil mal placé et chagrin sincère, angoisses rationnelles et crises romanesques. Puis, à travers le hublot, j’assiste aux remous. La cuve à saturation, un ressac tempétueux se cogne contre la fenêtre. Je constate le poids des vêtements, des jours qui passent, les gens qui restent et ceux qui partent. Les vagues bondissantes, ourlées d’écume, protestent ma surcharge. La houle savonneuse porte de mauvais présages. La tempête est imminente, et je ne pourrai pas retenir le tout. Je n’arriverai pas à endiguer une telle débâcle, à éviter ses ravages.
Je ne suis pas mécanicienne. Je ne sais pas réparer les brèches quand le déluge fracasse. J’ignore comment éviter le trop-plein lacrymal, comment consoler le renflouement de l’être. Quand j’épie ma machine à laver, c’est que je voudrais obtenir ses secrets pour parvenir à évacuer l’incongru et ne conserver que le beau. Il me faudrait apprivoiser les courants, m’acclimater aux tsunamis dont je suis l’épicentre. Dompter les microséismes qui me font perdre pied, apprendre à en limiter les secousses catastrophes et mieux les encaisser. Il faudrait que je cesse de me défiler et que je plonge dans l’eau chaude.
Tant pis pour le débordement. Mon plancher ondulera, ça m’est égal. De toute façon, je connais par coeur le numéro de Qualinet. Sa patrouille anti-déluge me viendra en aide si je ne tempère plus mes marées. Elle se fera thérapie quand le rythme excédé de mes remue-ménages annoncera mon inondation.
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Eve Méquignon effectue un baccalauréat multidisciplinaire à l’Université Laval, où elle allie ses intérêts pour les féminismes, les études de genre, la création littéraire et l’anthropologie. Membre du collectif de performance poétique queer et féministe Les Allumeuses, elle souhaite développer une démarche artistique engagée qui met de l’avant une vision sociale inclusive.
Tous les droits sur les images et les vidéos du texte reviennent à Eve Méquignon.
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