Plus que des ami.e.s

Éditorial

Au début, nous n’étions qu’un groupe d’ami.e.s. Des gens rencontrés ici et là par l’intermédiaire de nos cours en histoire de l’art, d’ami.e.s en commun ou encore de nos multiples engagements bénévoles.

 

On se croisait dans les vernissages. On se reconnaissait parce qu’on était un peu gêné.e.s d’être là, comme des étranger.ère.s de passage dans une communauté tissée serrée. Nous n’étions ni des artistes ni des journalistes. Notre amie Ève-Marie le dit si bien, nous étions des « touristes » de la culture.

 

Nous écrivions sur l’art pour nos cours universitaires. Benoît connaissait tous les saints et les motifs religieux, Michelle parlait d’utopie chez les actionnistes viennois avec des étoiles dans les yeux et moi je faisais mon gros possible pour écrire sur Allan Sekula entre mes jobs et mes matchs d’impro. Florence a dit aux initiations qu’elle allait faire un doctorat; les autres trouvaient qu’elle voyait trop loin.  Alix venait parfois aux cours, mais avait l’air beaucoup plus intéressée par ses activités parascolaires poétiques. On ne voyait jamais Julien, car il avait UNE PLEINE ANNÉE scolaire d’avance et était, de facto, un érudit trop savant pour nous.

 

Nous étions très différent.e.s les un.e.s des autres. La chose qui nous réunissait, c’était nos conversations sur l’art. On jasait de musique, de films, de livres, de mouvements artistiques et de nos dernières lectures scientifiques. On a ri en étudiant les différents types de temples romains et, on le jure, personne avant nous n’a eu de plaisir à discuter de plans distyle in antis et pseudopériptère*.

 

Et puis un jour, on s’est mis à triper sur la radio. Nos conversations secrètes sont devenues… un peu moins secrètes grâce à la générosité de CHYZ qui nous a offert une plage horaire pour nous pratiquer à faire notre métier. J’ai interviewé stvn à ma toute première émission. On n’a plus fait d’entrevues pendant un long moment ensuite parce qu’on ne savait pas comment aborder les artistes.

 

Mais on a continué. Nous avons développé, tranquillement, un réseau d’acteurs et d’actrices important.e.s sur la scène culturelle. Nous avons écrit, ici et là, dans des revues et avons pris l’habitude de discuter avec des artistes. L’art est devenu notre travail.

 

Au fil des ans, les émissions se sont enchaînées et nous avons beaucoup ri, en onde comme en réunion. On a parlé fort, vite, passionnément. On a eu bien des problèmes techniques.  On a rencontré Charlotte, Frédérique, Hugues, Julia, Nadia et plein d’autres personnes qui allaient composer notre dream team. Nous avons travaillé fort ensemble , bien souvent avec une bière dans les mains.

 

L’hiver dernier, après 5 ans de radio étudiante, on est devenu fous. Tanné.e.s de produire nos émissions à moitié, on a décidé de prendre la chance d’une Première Ovation, et ça a marché. Michelle a dit « Bon ben maintenant on peut plus reculer ».

 

Quelques mois plus tard, nous sommes des membres actifs chez Avatar et nous recevons chaque semaine des artistes, des travailleur.se.s culturel.le.s et des passionné.e.s d’art. Les enregistrements vont bon train, les infolettres se rendent presque à temps chaque semaine et bientôt nous publierons des articles sur notre site web. Parfois, dans les escaliers de Méduse, quand tout est fermé, Michelle et moi on se rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, on se considérait comme de simples touristes.

 

Nous avons trouvé, après bien des années, notre place dans l’écosystème des arts visuels à Québec. La vérité c’est que nous l’avons toujours eu, mais ne savions pas comment la prendre. Nous ne sommes toujours pas (pour la plupart) des artistes et, à ce jour, personne n’a sa carte de journaliste. Mais notre vie de touriste est terminée. Parce que maintenant nous sommes plus que des ami.e.s, nous sommes un réseau de critiques d’art.

 

* La rédaction a dû consulter Préhistoire et Antiquité dirigé par Alain Schnapp pour se rappeler des noms de ces plans. Nous ne pouvons, à ce jour, vous expliquer la différence entre les deux.

 

 

Sevia Pellissier

Réunion des comités d’administration et de rédaction d’À l’est de vos empires.

L’autrice tient à souligner le travail des personnes qui ont fait partie de l’équipe de près ou de loin au fil des années. L’autre Michelle, Pascal, PP, Simon, Sam, mais aussi les membres de notre comité d’administration et de rédaction.

 

Elle veut aussi affirmer que, malgré le ton taquin de certains passages, tous les gens nommés ici sont de vrais spécialistes de leur domaine et ont étudié longtemps pour en acquérir le statut.

 

Sevia Pellissier est candidate à la maîtrise en histoire de l’art à l’Université Laval et commissaire indépendante. Elle étudie la rhétorique de l’humour absurde en art actuel au Québec comme levier critique de l’institution. En 2015, elle fonde À l’est de vos empires et anime depuis le magazine audio. Hyperactive culturelle, elle collabore régulièrement à la revue Vie des arts et siège sur le comité d’administration de la FAAQ. En plus d’avoir participé à la réalisation de plusieurs expositions dans divers centres d’artistes de la ville de Québec, elle signe le commissariat des expositions Monstrum in Fronte (2017), EXOMARS (2019) et Salle d’attentes (2021).

 

Publié le 26 mars 2020

 

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