COULOMBE, Maxime. Le plaisir des images. Paris, Presses universitaires de France, 2019. 183 p.
Omniprésentes, se glissant dans toutes les alcôves de notre existence, les images peineraient aujourd’hui à se voir délogées du banc des accusés. C’est que les charges retenues contre elles sont lourdes, sans appel : les images tromperaient éhontément, corrompant, voire avilissant la réalité de leur présence oppressante et frivole. Leur inutilité n’aurait d’égale que leur propension à encombrer l’espace social et intime sans pour autant ouvrir quelque fenêtre sur ce qui nous anime en creux et en surface lorsque nous venons à leur rencontre. À leur nature proliférante se surimprime la marque du doute postmoderne qui teinterait désormais notre relation à leur égard. Discours largement admis et souligné à maintes reprises par nombre de chercheurs en sciences humaines, ce sombre état des lieux, qui se fait persistant, pourrait sembler éteindre l’espoir d’une réflexion sur les images menée hors des catégories soupçonneuses du simulacre et de l’artifice auxquelles est fréquemment associé leur caractère fictionnel.
Et pourtant, c’est le pari que s’est fait l’historien de l’art et sociologue Maxime Coulombe dans son ouvrage intitulé Le plaisir des images (2019) paru aux Presses universitaires de France. Délaissant les voies sûrement balisées de l’approche contextualiste traditionnelle de l’histoire de l’art, l’auteur aborde avec originalité la question des images, de leur puissance d’affect, sous la lunette des sciences cognitives, de la sémiotique et des neurosciences. Tissé de chacune de ces disciplines, l’argumentaire de l’ouvrage procède à une focale fort éclairante sur les rouages qui s’activent en nous au contact des images, lesquelles, selon l’auteur, sont constitutives de notre expérience du monde comme de notre vie intérieure. Cette « force affective » des images, leur capacité à susciter des émotions, à exalter notre sensibilité, tiendrait, avance Coulombe en guise d’argument fondateur, à leur « nature imitative » et fictionnelle : « […] la ressemblance n’opère véritablement qu’une fois reconnue la nature artificielle de l’image et à travers cette artificialité. […] Cette nature artificielle semble même nous permettre de nous investir dans l’image avec d’autant plus d’abandon et de plaisir que nous savons justement qu’elle n’est pas la réalité qu’elle dépeint : c’est à connaître son artificialité que nous acceptons de nous abandonner à ses pouvoirs, à ses analogies, à ses évocations, à son pouvoir de ressemblance. » Décriées dès Platon comme ersatz de la réalité, la ressemblance et l’artificialité inhérentes à ce qui fait image trouvent dans le développement réflexif de l’auteur une réhabilitation où se dessinent les chemins de compréhension des effets que les représentations produisent en nous. Entre travail mémoriel, investissement affectif et désir, l’image, nous dit l’auteur, « pourrait se faire un moyen de se réinventer ».
Il faut saluer ici le travail d’écriture qui porte cette recherche fouillée : sans sacrifier ni à l’élégance du style ni aux ramifications complexes du sujet, Maxime Coulombe a su donner à cette synthèse le ton approprié qui trouvera satisfaction chez le spécialiste sans égarer le lecteur profane.
Layna De Roy est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en histoire de l’art. Son projet de recherche de deuxième cycle portait sur la question du livre-objet à travers l’oeuvre sculpté de l’artiste américain Brian Dettmer. Elle a par ailleurs signé un article sur le sujet dans la revue Esse arts+opinions (n° 89, 2017). Elle poursuit des études doctorales sur mesure en histoire de l’art à l’Université Laval. Dans ce contexte, elle souhaite interroger les rapports de connivence entre écritures théoriques et subjectives dont est tissé le grand récit des images.
Publié le 6 avril 2020
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