De bouillon et d’huile

SAINT-ROCH NÉO-GOTHIQUE

La nuit, je me fais page blanche, je me dissocie, et si je sors dans les nightclubs, seul, c’est pour m’arracher à moi-même, pour évoluer dans un espace où je n’ai pas encore d’odeur.

 

Vierge. Inviolé. Inviolable.

 

(quintessence de la tristesse: pour mettre le passé à distance, je dois me dissoudre)

 

***

 

La nuit, je me fais page blanche, ma substance persiste sous forme de particules éparses tandis que s’amorce la fluctuation des traumas.

 

Je suis saoul. Je cherche à deviner le genre du cosmos. Je refuse la stabilité – c’est un perpetuum qui me permet encore de marcher, de glapir

 

 

inviolé.e          je danse          présumé.e mâle

 

multivalente identité malgré l’apparence

 

le geste lent de se départir

 

 

Mouvance, souffles, débordements des bancs de parc et des lampadaires toxiques, j’accueille le mouvement perpétuel. Il est désormais impossible de me localiser: je me cache dans la blessure de toutes les villes, de toutes les peaux, un effet cheap généré pour recouvrir mon visage balafré, aussi fixe que le viol. Je me creuse un tombeau avant-gardiste au milieu des passants. Anonyme, je porte la ville comme un manteau de vapeur transitoire. Rétromanie dissonante. Obscure. Métissage psychosomatique, improbables morceaux virtuels de mon enfance.

 

 

je cours la densité

 

des reverbs

 

sous des rythmes hallucinatoires et cinématiques

 

et mon coeur bat

 

en percussions de breakbeat synchronisés

 

à 160 BPM

 

 

 

la nuit je me fais page blanche, je traverse la basse-ville

 

en télépathe

 

sous les pulsations rituelles

 

 

 

Saint-Roch néo-gothique

 

le métal de ses mendiants

 

ses flaques de macadam

 

ses techno-vampires

 

ses jardins de bars boueux

 

ses ecchymoses brouillées

 

ses toitures mémorielles

 

ses gouttières brisées

 

 

***

 

 

réveil pantelant

 

dans l’aube de toutes nos cendres

 

nos destins robotiques

 

et nos danses spontanées

 

 

au bout de Saint-Vallier j’émerge nouveau

 

parodie nostalgique de moi-même

 

Crédit photo: Sébastien Emond.

Sébastien Emond est originaire de Chibougamau. Iel a choisi de s’extirper de son « incubateur boréal » pour s’établir dans la ville de Québec et étudier le cinéma, la langue française et la littérature à l’Université Laval. Depuis 2016, iel s’implique dans diverses activités littéraires de la ville de Québec en tant que poète du Collectif RAMEN et publie, en 2018, son premier recueil de poésie aux Éditions Hashtag, #monâme. Sa suite poétique La dysphorie des lièvres empaillés est mise en nomination pour le prix de poésie Radio-Canada 2019.

 

Publié le 27 juillet 2020

 

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