La récolte des eaux de mars

En tournant dans votre appart/maison/chalet/camion devenu une forteresse de solitude, ou presque, vous cherchez de la musique pour mettre du baume sur la fébrilité ambiante ? Je vous propose une playlist de nouveautés qui annoncent que la vie continue, des vieilleries qui rappellent une douce insouciance.

 

Vous avez une diversité de proses féminines à vous mettre dans les tympans ce mois-ci. Elles chantent, chuchotent, crient avec une force dont la sensibilité n’est pas à débattre. Elles transforment les murs en fenêtres, et les fenêtres en éclairs de génie.

 

Elles ne sont pas seules dans la liste, mais ce sont elles que je décris cette fois-ci.

 

Sampa The Great fait une apparition musclée sur O.B.S., reléguant même SUPEREGO au rang d’invité (alors qu’il est censé être l’artiste principal). Une voix imposante qui mélange avec adresse ses racines musicales africaines avec les codes occidentaux du rap. Du lourd.

 

Sorcière irlandaise avec ses boîtes à rythmes, Hilary Woods a transformé en 2018 une discussion avec Dieu en un rythme house minimaliste. Glacé et lumineux comme l’eau d’une rivière qui dégèle. Elle a sorti un nouvel album ce mois-ci, Birthmarks, enregistré alors qu’elle était enceinte. Un projet impressionnant qui mélange une narration dense avec des ambiances instrumentales abstraites.

 

Lana, la reine. « Fromage ! C’est un choix un peu arriéré », vous pourriez me dire, mais je n’ai toujours pas fini d’apprécier Ultraviolence (2014). Particulièrement la pièce Fucked my way to the top, un hymne d’affirmation de soi avec juste assez d’autodérision.

 

Si je devais passer à une émission de type « Mon étrange dépendance » probablement que l’album Days are gone (2013) d’HAIM pourrait être l’une de mes addictions. Les trois sœurs ont sorti un minialbum de b-sides de leur dernière galette, Now I’m In It. S’y trouvent, à mon oreille de superadmirateur, leurs meilleurs grooves depuis 2013. La douleur amoureuse est évidemment au rendez-vous, une thématique parfaite pour les emprunts qu’elles font à la pop des années 80.

 

Une poésie subtile, et directe, voilà la musique d’U.S. Girls, du moins le peu que j’en connais. Overtime, ce simple de janvier, me donne seulement le goût d’en entendre plus : Soul et Rock parfaitement accordés. Leur nouvel album est déjà dans les bacs.

 

Dans la plus belle tradition de la chanson des années 60, Maude Audet et Philippe B partagent le micro sur Couteau de poche. On cherche souvent la chanson de l’été, mais en écoutant cette pièce vous avez le printemps cristallisé en 3 minutes. Que de tendresse douce-amère. Et comment résister à la flûte traversière (!!!).

 

Le subtil accent anglophone de Stacey Kent amplifie la lumière printanière pour accompagner la fonte de l’hiver. Les eaux de mars sont bien là, n’oubliez pas d’y ajouter du savon et de bien faire mousser en fredonnant le refrain qu’elle reprend à George Moustaki.

 

Marie-Gold et Lydia Képinsky font une connexion sur un beat trap savoureux, pour Goélands, single du premier long jeu de la rappeuse en or. J’aurais pris plus de Képinsky, mais Gold ne déçoit pas avec sa rythmique agile, rapide, baveuse. Un troisième malabard se joint au parté, le rappeur Kirouac. Malheureusement sa présence est plutôt insipide.

 

À rêver un supergroupe de la pop expérimentale féministe actuelle je n’aurais pas pu imaginer meilleure proposition que la réunion de Charli XCX, Rico Nasty et Kero Kero Bonito. Ringtone (Remix) est une excellente bougie d’allumage pour vos dancefloors de confiné.e.s. Et pour l’amour, allez découvrir le catalogue de ces trois artistes!

 

Bonne écoute, et bon boogie.

 

Bisous (si vous le voulez bien) à deux mètres de distance ,

 

– Dj Fromage –

 

 

Dj Fromage, aussi connu par l’alias “Julien St-Georges Tremblay”, est candidat à la maîtrise en histoire de l’art à l’Université Laval. Son mémoire porte sur l’interrelation entre l’art infiltrant et le territoire dans l’histoire du centre d’essai en art actuel du 3e impérial à Granby. Depuis 2013, il travaille comme médiateur culturel pour le MNBAQ, le Symposium d’art contemporain de Baie-St-Paul, le Mois Multi et plusieurs autres. À titre d’auteur, il écrit notamment pour les revues québécoises : Inter –art actuel, Ciel Variable et Vie des Arts. Il est également un critique musical pour les médias numériques Le Canal Auditif et Feu à Volonté.

 

Maurice Le Bel, La Cabane à sucre, 1924. Photo: MNBAQ.

 

Publié le 30 mars 2020

 

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