Du 30 octobre au 28 novembre dernier était présentée à La Bande Vidéo l’exposition Côtés droits et angles égaux / \ Room of an eternal beauty fixe @squarefeminity d’Annie Baillargeon. Le projet, débuté dans le cadre de la résidence de l’artiste au centre de création et de diffusion en arts médiatiques de la coopérative Méduse, s’interroge sur l’image de la femme véhiculée par les médias numériques actuels. Dans le contexte de l’exposition, la.le visiteur.se entre dans un univers reproduisant l’espace des salles d’opération. Véritable immersion de couleurs pastel ponctuée de paillettes et de satin, cet environnement médical propose au public une exploration de la nature énigmatique des opérations chirurgicales visant l’amélioration du corps à travers toutes les modifications possibles. Cette œuvre installative jumelant photographies, vidéos et objets de tous genres, explicite la disjonction entre l’apparence glamour des salons d’esthétiques et l’intensité des altérations du corps visées par certaines opérations qui y sont pratiquées.
À travers un parcours iconographique basé sur les publicités qui inondent les médias sociaux actuels, le public se voit ainsi lui-même questionné sur son propre rapport à l’image corporelle et aux possibles bonifications de l’apparence offertes par la science d’aujourd’hui. De fait, dans l’exposition, un rapprochement est notamment réalisé avec le design de l’application Instagram. Par la juxtaposition de publicités présentant divers outils de beauté aux fonctions ambiguës et des photographies produites par l’artiste dans sa salle d’opération factice, Annie Baillargeon élabore une mosaïque d’images carrées rappelant le feed de l’application médiatique. De cette manière, en tant que visiteur.se.s, nous sommes confronté.e.s à notre propre rapport avec ce type de produits commercialisés sur les médias sociaux que nous consultons, pour la plupart, chaque jour. Bien que l’usage visé de certains de ces objets ne soit pas apparent à première vue, ils sont tous vraisemblablement destinés à libérer les personnes des complexes corporels, pourtant toujours plus nombreux. Ce commerce de l’« embellissement », offert à un prix modique, apparaît de plus en plus dans l’univers des réseaux sociaux consultés par une majorité de la population. Annie Baillargeon confronte ces images à des photographies où elle se met en scène dans l’univers médical aménagé.
Dans l’exposition Côtés droits et angles égaux / \ Room of an eternal beauty fixe @squarefeminity, Annie Baillargeon explore également le processus de chirurgie esthétique à travers une performance filmée et projetée dans la salle d’installation. Dans une ambiance sonore enveloppante, l’artiste, sur une civière, use des différents objets exposés : masque de lumière ultraviolette, crèmes miracles, outils rehausseurs. Dans une sorte de rituel captivant, l’effet de confusion est amplifié par l’usage inefficace qu’en fait Annie Baillargeon, où chaque objet est ainsi détourné de sa fonction initiale. De cette manière, la.le visiteur.se est ainsi invité.e à se questionner sur l’absurdité des retouches douteuses proposées par ces objets. La prestation filmée se termine par une évocation grandiose de l’accouchement, au cours de laquelle l’artiste donne naissance à un flacon de sérum dont elle enduit son visage. Serait-il question ici de nous aviser que nous sommes les propres créateur.rice.s de l’essence de notre beauté? L’artiste cherche certainement à inviter tou.te.s les visiteur.se.s à se pencher sur cette réflexion, ou du moins à les déstabiliser par le processus qu’elle incarne.
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Cet article a été écrit en continuité avec la chronique d’Amélie Nadeau à l’émission Chéri.e j’arrive du 12 novembre 2021 sur les ondes de CHYZ 94.3.
Amélie Nadeau
Bachelière en histoire de l’art, elle complète actuellement un diplôme d’études supérieures spécialisées en muséologie à l’Université Laval.
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