L’espoir en friche

 

 

J’ai l’espoir facile. C’est une force étourdissante qui me pousse vers un optimisme sans fin. Ça me gèle aussi. Ça engourdit les doutes, et certains faits de la réalité que je préfère omettre. J’espère que tout se règle naturellement.

 

Ça fait un peu plus d’un an que j’écris les textes pour les rétrospectives musicales d’À l’est. J’aurais imaginé que la banale normalité nous aurait rattrapée d’ici là. Pourtant, tout n’est pas réglé, et ça n’a pas vraiment de lien avec les phrases que je tape sur mon clavier. Pourtant, j’ai l’espoir encore facile. Un réflexe, un instinct plus proche du spasme musculaire que de la réflexion. Un cycle dans lequel les doutes sont la monnaie d’échange pour un futur souhaité. 

 

Je nous souhaite d’oublier de plus en plus cette souffrance sourde, et de nous rappeler les rythmes précieux qui auront attisé de nouvelles réflexions profondes. Je nous souhaite pas mal n’importe quoi d’autre qu’un tube monocoque à 10 milliards de balles rempli de voitures Lego, d’un entrepreneur adulescent qui joue à Bob le Bricoleur sur la coke avec ses ti-chums bien bétonnés par tous les orifices. La promesse moderniste de la ville routière des années 1970, ça suffit. L’absurdité de reproduire toujours les mêmes dynamiques, c’est de l’espoir stagnant.

 

Nous méritons des parcelles d’espérance, grandioses, qui se développent le long des rues, prêtes à résonner des claquements de nos gougounes (ou crocs canards de l’iconique Kaël Mercader) embrassant nos orteils déconfinés. Du 28 mai aux dernières soirées chaudes de septembre, pour cette année et toutes les autres, de l’affection consentante qui pousse à hauteur de regards, au-dessus des formes de l‘agression

 

Je nous souhaite un vent frais entre chacun de nos dialogues en fleurs qui les emporte pour former un essaim d’aigrettes de pissenlit. Nuage magique qui émerveille par sa propulsion douce et qui gosse ceux.celles faisant de nos lieux communs des territoires aseptisés. Une bonne manière de poursuivre les chemins de travers laissés par les mammouths laineux de ce monde. 

 

L’espoir est en friche. Un écosystème à cultiver tranquillement, mais avec efforts. Et pour les moments de repos : des pages de mèmes qui nous rappellent avec (une douloureuse) exactitude l’hilarante aberration des systèmes qu’il faut transformer en engrais au plus sacrant.

 

Bon soleil les jardinier.ère.s des prochaines friches !

Kaël Mercader, Quackcroc, 8 1/2″ x 8 1/2″,  Encre de Chine et crayon gras  sur papier, 2021.
J’ai fait ce dessin parmi une quinzaine de dessins ayant pour thème mon voyage au Lac-du-Cerf dans les Laurentides il y a deux semaines. Comme à mon habitude cette série est un mélange entre du dessin d’observation et des choses que j’imagine. Dans le cas de ce dessin en particulier j’avais enlevé ma paire de crocs et elle traînait au sol non loin d’un canard en bois ce qui m’a donné l’idée de combiner ces deux objets pour en faire un sympathique animal/soulier.

Voici quelques mots sur certains des morceaux musicaux qui représentent le mois de mai :

 

  • Crabe effectue un retour avec Sentients, son album le plus accessible à ce jour (à mes oreilles du moins). Une panoplie de collaborateur.trice.s se joignent au duo déchaîné sur cette galette musicale en une joyeuse pétarade de style vaguement rock. J’ai choisi la pièce la plus douce du lot, Bienvenue chez toi dans un soleil d’art. Une jolie ballade sur laquelle on retrouve la voix de l’éthérée Laurence-Anne et le mystérieux Mathieu A. Seulement aux synthétiseurs.

 

  • Je suis certain que les terrasses trépignent d’impatience d’offrir de l’espace à tous les bassins désireux de se faire emporter par l’élégant drum steel qui sautille côte à côte avec la voix de Lido Pimienta sur la pièce Te Queria. Mon choix s’est arrêté sur ce morceau dansant trouvé sur l’album Miss Colombia, dont la profondeur de style et de textures (notamment dans la prise de son) me charme complètement. Une chanteuse canadienne hispanophone que je vais  assurément suivre dans les prochaines années !

 

  • Surprenant, ce Lary Kidd avec son dernier ep, Le poids des livres, qui intoxique autant par son style minimaliste et sa rapidité d’exécution, qu’avec ses productions lourdes et sa prosodie baveuse. Le jeune homme ne dit pas grand-chose de nouveau thématiquement, mais il surfe avec tellement d’adresse sur les ambiances de A-Just, le beatmaker, que les réécoutes sont un plaisir réel. C’est la pièce Feu roulant qui arrive dans la rétrospective de ce mois-ci pour la qualité de l’échantillonnage Soul et l’attitude bien détendue de la petite racaille des défunts LLA.

 

  • Gayance c’est le nom de scène d’Aïcha Vertus, elle est une productrice et DJ montréalaise qui a récemment sorti son single Fruta Gogoia, un slow burner durant lequel la rythmique house s’imbrique à un sample de la puissante chanteuse Gal Costa, du Brésil. La québécoise semble prête à sortir un premier album au courant de l’été, et mon excitation ne cesse de grimper. Si vous voulez plonger à pieds joints dans le catalogue de la lumineuse musicienne brésilienne, vous trouverez la pièce Baby comme incitatif dans la rétrospective.

 

Bisous vaccinés (si vous le voulez bien),

 

Dj Fromage

 

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Dj Fromage

Dj Fromage, aussi connu par l’alias “Julien St-Georges Tremblay”, est candidat à la maîtrise en histoire de l’art à l’Université Laval. Son mémoire porte sur l’interrelation entre l’art infiltrant et le territoire dans l’histoire du centre d’essai en art actuel du 3e impérial à Granby. Depuis 2013, il travaille comme médiateur culturel pour le MNBAQ, le Symposium d’art contemporain de Baie-St-Paul, le Mois Multi et plusieurs autres. À titre d’auteur, il écrit notamment pour les revues québécoises : Inter –art actuelCiel Variable et Vie des Arts. Il est également un critique musical pour les médias numériques Le Canal Auditif et Feu à Volonté.

 

Kaël Mercader | Artiste de la saison musicale

 

Kaël Mercader vit et travaille entre Montréal et Québec. Autodidacte, sa pratique en arts visuels se concentre principalement autour du dessin et de la peinture auxquels viennent parfois s’ajouter l’installation, la sculpture et la performance . Il est membre de deux collectifs : Canadian Bacon et Le Collectif Ambitieux. Au sein du Collectif Ambitieux il a participé au symposium Art & Rives au Lac-Etchemin à l’été 2018 ainsi qu’au Festival de l’Inattention à l’automne 2018. Son installation Entité présentée à l’automne 2017 à Regart centre d’artistes en art actuel lui a valu de remporter le prix Videre dans la catégorie artiste de la relève en 2018. Il a également participé à l’édition 2020 de la Foire en art actuel de Québec.

Plaçant la figure humaine comme élément central de sa pratique, il porte aussi toutefois une attention aux phénomènes naturels comme la lumière, le bruit, le mouvement des animaux et des plantes. Dans son travail figuratif, l’artiste crée des mises en scènes et des situations qui révèlent une certaine drôlerie du quotidien et se veulent ludiques mais aussi sensibles et délicates.

 

 

Agenda de la semaine

À l'est de vos empires vous prépare une sélection hebdomadaire d'activités culturelles à faire à Québec.